mardi 18 janvier 2011

Derniers jours au Ranch

La dernier jour arrivant bien plus vite que prévu, il a fallu que je m'organise pour réaliser mes dernières volontés au ranch, dont un repas français, un dernier sweat, un jour de ski à Sun Peaks et une nuit en bivouac.

Jeudi, je pars donc avec Wayne, le mari de Michelle qui fut scout dans son enfance à la recherche d'un bon endroit pour un bivouac et de sapin (pas de pin !) à branches basses pour monter mon abri. L'après-midi passe vite, et après avoir roulé en 4x4 dans 30cm de neige fraîche,  nous ne trouvons un bon endroit que vers 16h à côté d'un chemin du ranch. Vite, il faut que je m'organise avant que la nuit tombe. Prévoyant, j'avais fait mon sac le matin, mais sans repas et sans outils. Wayne me prête scie et hâche, et je passe chez Trish récupérer papier alu, patates et chamallow. La nuit est déjà tombée quand j'arrive en motoneige à côté de l'endroit potentiel. Je marche un peu et découvre bientôt l'endroit idéa : 2 sapins qui ont protégé le sol de la neige et des bosquets d'arbres morts, qui me seront bien utiles pour le feu. Pas de temps à perdre, je me mets à la recherche de perches pour monter la structure de base de mon abri. Une heure, 6 perches et 10 brelages plus tard, la base est en place. Il s'agit maintenant de couper un bon nombre de branches de sapin afin de recouvrir tout ça. A première vue, ça paraît facile, mais les branches sont souvent pauvres en épines, ou pas accessibles sans grimper. Finalement, j'ai mon petit chez moi au bout de 2 heures de travail, et ça a de la gueule ! Je cherche mon sac et mes affaires que j'avais laissées au motoneige, et je démarre un petit feu, pour me réchauffer, et manger bien sûr. J'enroule deux pommes de terres dans du papier alu que je glisse dans les braises. A l'aide d'un petit bâton, je déguste un camembert canadien acheté il y a un mois, que j'avais laissé "vieillir" dans le frigo et dont Maike ne parvenait pas à découvrir la finalité. Je m'installe sur un petit tronc, et commence à déguster les pommes de terres, bien cuîtes dans l'alu, avec le fromage coulant et légèrement grillé : quel régal ! Puis j'enchaîne avec une banane (non sans chocolat, je sais ...) cuite elle aussi dans les braises, et c'est toujours aussi bon. Quelques traditionnels chamallows terminent ce simple mais délicieux repas trappeur. Une dernière flambé pour me réchauffer et je me glisse dans mes deux sacs de couchage, et m'endors rapidement sous les nuages glissant lentement au dessus des sapins et laissant apparaître de temps en temps une lune presque pleine.

On rêve tous d'aménager son chez-soi !

Je me réveille vers 8h, signe que je n'ai pas eu trop froid. J'apprendrais plus tard que la température était comprise entre -8°C et -10°C. Il faut maintenant sortir de ce cocon bien chaud, tout ranger et retourner travailler. J'enfile mon pantalon, mon pull, et en voulant rentrer dans mes chaussures, je m'aperçois qu'elles ont gelées et qu'elles sont dures comme de la pierre. Une seule solution : rallumer un petit feu pour ramollir tout ça. Aussi tôt pensé, aussitôt fait, et me voilà en train de tenir mes deux chaussures au dessus de feu ! Une fois que je peux rentrer dedans, je range tout et quitte ce petit bivouac, qui m'a si bien accueilli pendant une nuit. Je prends quelques photos avec le motoneige et quand je démarre, je m'embourbe dans la neige : plus possible d'avancer ni de reculer, ça patine. C'est marrant, quand j'essaye de faire le malin sur une photo, il faut toujours que je galère un peu après, juste pour apprendre la modestie il semblerait ! Je suis donc à quatre pattes dans la neige, en train de dégager la chenilles avec mes moufles.  Marche avant, marche arrière, tout le poids sur l'arrière et j'arrive enfin à mettre sur la route dégagée, à ... 1 mètre à côté !

Quelle vue en ouvrant les yeux !

C'est pas un tas de branche, c'est mon abri !

Ma fidèle monture !

Je bosse un peu le matin au ranch, mais j'ai en tête le repas français que je veux faire le soir même, et auquel j'ai invité tout le monde : Trish & Kerry, Redwillow, Donna & Derryl, Michelle & Wayne, mais aussi Christina la comptable et David un ami de Kerry. Au menu, j'ai prévu :
  • Salade choux rouge - pommes - noix (de Grenoble bien sûr)
  • Gratin dauphinois - fagot de haricots au lard - pavé de bison du ranch sauce Strogov
  • Galette des rois avec pâte feuilletée faite maison

Michelle m'amène faire les courses dans l'après-midi à Logan Lake, et je suis à la maison à 15h, le repas commençant à 18h, je vais devoir m'activer. Je commence par la pâte feuilletée, car elle demande un travail de 5 minutes toutes les demi-heures pendant 3 heures. Entre temps, je vire le sapin et les décorations de Noël, passe l'aspirateur, fait la vaisselle, découpe le choux rouge et les pommes de terre, etc ... A 18h, je suis dans les temps, et Michelle est la première, sans Wayne que ne peut pas venir. Elle me donne un bon coup de main et quant Trish, Kerry, David, Donnay et Redwillow sont là, c'est prêt. La salade passe bien et on attaque le gratin avec les haricots. Ils sont ravis et sont étonnés par chaque recette ! Le bison avec la sauce et le vin rouge chilien sont un nouveau délice. Avant le dessert, je fais une photo pour Maike, qui a quitté le ranch le 5, pris l'avion le 10 et a eut son anniversaire le 12 janvier.

Joyeux anniversaire Maike !

Je sors la galette un peu tôt, et comme le veut la tradition, c'est le plus jeune qui passe sous la table pour répartir les parts, en l'occurrence Redwillow. Pas de roi au premier tour, et il reste deux parts. Ca va se jouer serré en Redwillow et moi : pas de quartiers ! Et c'est elle qui découvre la pièce de 1 cent que j'avais glissée dans la pâte : bravo ! Donna et Michelle me donne un super coup de main pour la vaisselle, et chacun rentre chez soi ravi !

Comme tous les samedi, je vais au sweat lodge, mais là c'est la dernière fois. Quel dommage ! En tout cas, j'ai vraiment beaucoup apprécié cette expérience, les gens que j'ai rencontré et nous nous donnons rendez-vous en juin, quand je repasserai avec mon vélo !

Et là, au lieu de rentrer au ranch, Dave un prof de maths à Kamloops et amis des membres du sweat lodge (sans y participer), vient me chercher et m'amène chez David, membre actif du sweat. En fait, au dernier sweat, on avait parlé ski et rando avec David, et je lui avais demandé si par hasard on pouvait aller skier ensemble. Il m'avait d'abord répondu qu'il ne pouvait pas, mais a finalement trouvé une combine avec Dave et tout s'est bien goupillé. Je me retrouve donc seul dans la maison de David. C'est le genre de maison que j'aime beaucoup : de plein pied, très cosy, un peu à la danoise ou à la hollandaise. Les murs sont caca-d'oie, le sol est en parquet ou moquette. Le séjour est à lui seul l'image de la maison et du style de David, que je découvre peu à peu : pas de télé, une bonne chaîne hi-fi et quelques CD, un fauteuil agréable et quelques abat-jours, une bibliothèque bien remplie de livre de voyages, de finances de ressources humaines. Je m'empare rapidement de l'un de ces livres que je survole rapidement. Une petite faim m'amène dans la cuisine, au sol en damier blanc et noir, un plan de travail central et de casseroles suspendues au dessus. Du vrai Marie-Claire maison ! Mais la fatigue l'emporte et, après une douche, m'endors dans un lit bien chaud.

David et Dave préparant le lancement du ballon

Le lendemain, je me réveille à 7h30 et David se réveille en même temps. En plus de me préparer le petit-déjeuner, il me fait le repas de midi : de bons sandwichs salade/poulet. Dave vient me chercher, et nous prenons la direction de Sun Peaks. En route, je m'aperçois que j'ai oublié mon argent, et Dave fait demi-tour sans râler et en me rassurant : j'en suis tout confus ...

Une fois à Sun Peaks, avec mon argent, je paye la location et le forfait en une seule fois : 125 CAD. Bon c'est un peu cher, mais il faut en profiter. Dave fait du snow, et après une première descente un peu difficile (chaussures mal serrées et neige un peu collante), je retrouve mes repère et en profite à fond. Dave me fait visiter tout le domaine, et je termine avec un petit hors-piste sinueux sous le télésiège. Nous mangeons chez David et c'est lui qui me ramène au ranch. Je lui suis vraiment très reconnaissant pour tout ce qu'il a fait pour moi ! Le voyage place parfois sur mon chemin des personnes qui valent de l'or, et il en fait partie.

Lundi, c'est le départ pour Vancouver ... Kerry me réveille à 7h30 et me dit que je dois prendre le bus de midi à la place de celui de 17h. Branle-bas de combat ! Je range, fais mon sac, termine une lessive, fais la vaisselle, brûle le sapin, retire les guirlande extérieures, passe l'aspirateur ! Ouf, c'est bon je suis dans les temps. Mon sac m'arrive jusqu'au nombril quand il est posé, et j'aime beaucoup la marque cow-boy du lasso accroché à l'extérieur, il me permettra d'ailleurs de faire une belle rencontre par la suite ! On passe à la maison principale, je dis au revoir à Trish, puis à l'écurie. Seule Donna est là, et je la serre fort dans mes bras. Elle a beaucoup compté pour moi, et a souvent pris le temps de bien m'expliquer les choses et nous avons des discussions intéressantes. Michelle n'est malheureusement pas là, et je ne pourrais pas lui dire au revoir.

Chien de traîneaux, équitation, vie dans les bois, belles lectures !

Sur la route de Kamloops, je colle ma joue contre la fenêtre et regarde une dernière fois le ranch enneigé, dont les paysages me sont maintenant si familier. Je n'arrive pas à distinguer le bivouac où j'ai passé la nuit, pourtant peu éloigné de la route. Le ciel est bleu, les nuages comme des plumes qui s'allongent. Il y a 2 mois jour pour jour que j'arrivais de nuit et découvrait la campagne canadienne. Nous descendons sur Kamloops, noyé dans le brouillard pour rejoindre la station Greyhound. Dans la file d'attente je rencontre une charmante jeune fille qui a remarqué mon sac de rando (comment ne pas s'en rendre compte ?!) et le fatal lasso. Nous passons le voyage à discuter et les 4h15 de bus ne me paraissent que 20 minutes. Elle est prof de yoga, vient de Bosnie (j'avais compris Brésil Bosnian/Brazilian) et habite sur Vancouver Island. On prend un café en arrivant et elle rejoint une copine à qui elle a donné rendez-vous. On échange nos coordonnées, et si j'ai le temps, je passerai lui-rendre visite, elle loge dans une maison qui donne sur le Pacifique. Mais il faut que je me dépêche, elle part mi-mars pour le Mexique.

Je suis maintenant dans l'appart de Benoît et Rita, que je retrouve après deux mois. Ils m'accueillent comme de bons français, avec un poulet à l'ail, et une purée pommes de terre carottes, le tout avec une baguette et un bon rouge. Vancouver, me voilà !

mardi 11 janvier 2011

Nouvel An, nouveaux objectifs

Je m'étais arrêté la dernière fois au bus qui me ramenait de Jasper à Kamloops, des souvenirs pleins la tête, des fourmis dans les jambes. Une fois arrivé à la station Greyhound de Kamloops, j'ai pris le taxi jusqu'au sweat lodge pour suer une dernière fois avant 2011. Dans le taxi, je regardai les chiffres du compteur monter vertigineusement, comme une horloge qui compterait les secondes et les convertirait en cents. 20 CAD plus tard, je débarque au sweat, le premier round ayant déjà commencé. Je me sens de retour presque chez moi, dans un environnement chaleureux et familier. Je retrouve chacun des membres avec beaucoup de plaisir, et raconte mes aventures à Jasper, encore toutes fraîches. Comme j'ai raté le premier round et que tout le monde veut continuer, nous avons le droit à un 5ème round ! J'apprécie beaucoup le geste. Puis, comme d'habitude, nous fumons le calumet. Enfin, Nouvel An oblige, le buffet est bien fourni, et j'improvise de petits fours avec des biscuits, du beurre et des huitres fûmées. On se régale, et, pour la première fois dans ce lodge, je prends des photos, pas de l'intérieur bien sûr, mais du repas, et surtout des lâchers de ballons. En effet, Debbie, la femme de Niels, a rapporté des sortes de mini-mongolfière. David et Dave se chargent de l'allumage et du décollage. Doucement, le ballon monte, portant son message de voeux pour cette nouvelle année dans le ciel de Kamloops. Bientôt, ce n'est plus qu'une étoile dans le ciel et il disparaît dans les nuages.  Quel beau moment de poésie !

Un beau travail d'équipe

De retour au ranch, je retrouve mes marques. Le break de Jasper m'a fait du bien, et me fais attaquer la Nouvelle Année d'un nouveau pied, avec de nouveaux objectifs. Je veux être un peu plus efficace dans la découpe du bois, et j'insiste auprès de Kerry pour utiliser la tronçonneuse. Ainsi, je suis indépendant et peux travailler seul, du tronc à la bûchette. Je commence aussi à songer doucement au retour à Vancouver et à la traditionnelle recherche de stage. Je commence à me mettre à la quête de lettres de recommandation, de professeurs, de Kerry et de gens pour qui j'ai travaillé en stage. Il me faut aussi traduire mon CV, à la Canadienne.

Cool, je peux m'amuser avec la tronçonneuse !

Soyez pas jaloux, c'est qu'un casque !

A l'écurie, la vie continue, et, bien que je me concentre plus sur le bois, je m'intéresse tout de même à ce qu'il se passe. Un jour, je sais que le vétérinaire passe, aussi je décide de m'attarder un peu devant les stalles pour voir comment il procède. Quand j'arrive, il a déjà castré les deux "colts", mâles de 2 ans. La sciure est rouge par endroit et les chevaux bien assommés. En effet, pour les ausculter, il ne faut pas que les chevaux soient nerveux. Une petit piqûre bien placée rend le plus fourbe des chevaux docile comme un enfant fatigué en deux petites minutes. Je suis impressionné et comprend la notion de "dose de cheval" ! Toute cette masse qui devient presque amorphe, c'est dingue ! C'est le moment choisi par le vétérinaire pour vérifier l'état de santé de la bouche. Il passe une sorte de pince inversée dans sur les dents du cheval qui lui maintient la bouche ouverte, avec une lumière pour voir ce qui ce passe à l'intérieur. J'avais vu des chargeurs de perceuse en entrant et me demandait à quoi il servait. J'ai eu droit à la réponse en image : le vétérinaire s'en sert pour nettoyer la bouche du cheval, comme un dentiste avec sa fraise, avec une petite différence d'échelle au passage.

Quelques jours plus tard, c'est le maréchal-ferrant qui vient pour s'occuper des sabots des chevaux. Il a donc fallu rassembler les chevaux à l'écurie pour que chacun puisse se faire refaire ses ongles ! Je suis donc allé chercher Remington et Joe, avec Donna. Nous avions juste les rennes car nous devions les ramener à crue. Je me suis aidé de la clôture pour monter sur mon destrier, et nous avons traversé le ranch enneigé, sous un beau soleil d'hiver. Pas de folie, nous sommes restés au pas, mais les sensations étaient vraiment bonnes, et la chaleur du cheval sous les fesses agréable.

Pas stressé pour deux sous, le maréchal-ferrant attrape chacune des jambes du cheval, lui coupe ce qui dépasse à l'aide d'une grande pince et termine le travail à la lime. Un peu comme une manucure, sauf que je n'aimerai pas retrouver ces ongles dans ma salle de bains : ils font bien 10cm de diamètre et le chien les ronge joyeusement comme un bon os ! Il a une technique et une position pour chacune des tâches qu'il effectue, afin de bien maintenir le sabot sur son tablier de cuir épais. Hélas, il n'avait pas sa forge avec lui et n'a pas posé de nouveaux fers.

Les derniers jours au ranch dans le prochain épisode !

samedi 1 janvier 2011

Bonne Année

Une nouvelle année qui arrive, c'est l'occasion d'échanger les traditionnels voeux !
« Au milieu du bois, la route s'est séparée en deux et moi, j'ai pris la route la moins fréquentée. Et là, tout a basculé. » RF

Pour 2011, prenez le temps de vous poser, de rêver, et le plus difficile mais le meilleur, de VRAIMENT passer à l'action ! Je vous assure ça vaut le coup !

Mettez vous à la recherches d'idées et de projets originaux, et trouvez des solutions et des opportunités, pas des excuses !


Que tous les défis et les projets que vous regardiez comme ça ...

... puissent se transformer comme ça !

Happy New Year, tous simplement !

"Your success in life does not depend only upon natural ability; it also depdend upon your determination to grasp the opportunity that is presented to you. Opportunities in life come by creation, not by chance." PY

La montagne, ça nous gagne !

Continuons là où je m'étais arrêté ! Après une première journée plutôt molle, je décide de ne plus perdre de temps !
Je me rends donc à 8h à la location de ski, armé de mon pass saisonnier, et je me mets sur la route de la station, les skis sur l'épaule, et commence à lever le pouce. J'attends à peine 10 minutes et une petite voiture s'arrête, enfin petite, ce n'est pas un pick up ! D'ailleurs, aussi loin que je me souvienne, jamais un pick up ne s'est arrêté pour me prendre ... C'est Dan, un jeune homme qui travaille au bar de la station. Il est vraiment sympa, et, comme souvent quand on me prend en voiture, on discute de voyages en France ! Paris bien sûr, la côte d'Azur, mais aussi Toulouse sont des destinations très prisées !

Et c'est parti !

Les skis enfilés, je retrouve rapidement les sensations, et me fais plaisir sur les pistes de la station. Il n'y a pas des masses de neige, il faut faire attention aux cailloux, mais celle qui est là est bonne et ça suffit pour envoyer ! Il n'y a aucun téléphérique, et aucun chalet aux alentours, la station se trouvant dans un parc national. A midi, je mange dans la salle commune, salue Dan au passage, et je discute avec un couple d'Edmonton d'une soixantaine d'année. Ici, tout le monde est d'Edmonton, c'est la station la plus proche. Quand on est tout seul, ça fait du bien d'échanger un peu, et quand je raconte mes aventures, l'homme répète sans arrêt : "Good for you !". Je rechausse les skis, et descends sur des musiques de Gorillaz ou Daft Punk, quel bonheur !

Je rentre quand le dernier télésiège ferme, et lève à nouveau le pouce. C'est à nouveau une famille d'Edmonton, dont le mari a grandi à Glasgow, qui me ramène. De retour au magasin de location, je fais part de mon envie de monter au Whistler Summit, un sommet juste à côté de Jasper qui culmine à 2430m, auquel on peut accéder par un téléphérique en été, mais qui est fermé en hiver. Pour situer, Jasper se trouve à 1100m d'altitude environ. Un des loueurs me décrit le chemin sur la carte, et m'indique les zones auxquelles il faut faire attention. Je prends les raquettes le soir même pour bien attaquer le lendemain. Ce sont des raquettes différentes que celles que j'ai connues en France : un contour métallique, un support en tissus épais, des crampons à la pointe et sous le pied, et seulement deux sangles pour maintenir le pied.

Le soir, je me prépare des pascades, galettes spécialités aveyronnaises à base de farine, oeufs et lait. Je les agrémente d'oignons et des restes de dindes de Noël. Soudain un bruit strident retenti, c'est en fait le détecteur de fumée, obligatoire ici, que le trop de beurre que j'ai mis dans la poêle a déclenché. Je dois l'arrêter 4 fois de suite avant d'en être définitivement débarrassé !

Objectif : Whistlers Summit (2430m)

Le lendemain, c'est parti ! A 8h, je suis sorti, avec mon gros sac contenant un pull, mon sac de couchage (je n'aime pas que mon gros sac soit vide), une couverture de survie, de l'eau, les pascades et des barres céréales, etc... et bien sûr les raquettes ! Le trajet commence par 3 km sur la route des pistes, et l'échappement des voitures contraste fortement avec l'air pur de la montagne ! Mais je quitte bientôt la circulation pour une route moins fréquentée. J'arrive sur le parking du départ du chemin. Un panneau indicatif informe les randonneurs sur l'itinéraire et les dangers de la randonnée, notamment la rencontre avec les ours. Je lis tout ça rapidement, on ne sait jamais, et puis c'est parti sur un classique petit chemin d'approche en sous bois. Après une bonne heure, je tombe sur des traces un peu plus grandes que les autres, et elles font bien la taille de ma chaussure ... avec une forme de voute plantaire. Je ne distingue pas s'il y a des griffes, mais je ne me sens pas particulièrement confiant. Je tends l'oreille, mais rien, alors je continue. Au ranch, on parle beaucoup d'attaque de cougars, sorte de très gros chat, qui peuvent être mortelles. Maike en est terrorisée et fait des cauchemars la nuit. Il faut dire que les premières fois que j'allais à la chaudière à pied, je tenais fermement mon couteau à la main, en répétant les gestes de défense ! Bref je continue mon ascension. Les sapins commencent à s'espacer, et la neige à devenir plus profonde : il est temps de chausser les raquettes. Franchement, elles sont pas mal, bonne accroche sur la neige gelée, et ne s'enfoncent pas trop dans la poudreuse. Comme je suis tout seul et que personne n'est passé avant moi, je dois faire la piste. Et faire la piste, pour ceux qui connaissent, c'est pas une partie de plaisir. Le truc, c'est que tu peux pas aller trop vite, il faut prendre le rythme. Et c'est pas évident, parce qu'une fois, la neige est molle et tu t'enfonces, la fois d'après, c'est gelé, donc tu dois forcer dans les cuisses, et ainsi de suite. Et puis, il y a l'angle avec la pente. Si tu attaques tout droit, ça glisse et c'est fatiguant, si tu attaques trop en biais, tu ne montes plus ! Donc en plus d'être un exercice physique, c'est un gros exercice mental. Je me mets donc à m'encourager, et à compter doucement 1....2....1....2. Et je vois la station de téléphérique se rapprocher doucement. Et puis je dois surveiller ma montre : si je ne reviens pas à la location avant 18h, ils appellent les secours ! J'arrive donc au sommet vers 13h, après 5h de marche.

ERREUR ! A ne pas reproduire chez vous à la maison !

Trop content d'y être, malgré les nuages font s'estomper les sommets alentours, la vue est belle. Je ne dirais pas magnifique, car le soleil n'est pas de la partie. C'est un peu comme un Noël sans sapin ou une soupe pas salée : il manque quelque chose. Et là, je me dis que, comme pendant un bonne rando en été, rien de tel que de changer de tee-shirt et de prendre son repas en appréciant la vue. Je me mets donc à l'endroit le plus exposé au vent, et commence à me mettre torse-nu. Je prends une photos pour le fun, et j'essaie d'attaquer mes pascades. Sauf que là, les doigts ne répondent plus. J'ai l'impression de devenir manchot. Alors, comme après mon engelûre du mois de novembre, j'ai beaucoup lu de sites sur le sujet, je ne joue pas avec le feu, enfin le froid, et je me réchauffe les mains sous les aisselles et entre les cuisses. Mais rien n'y fait, à peine je les ressors, je perds toutes les sensations. Mon ancien tee-shirt et mes gants se rigidifient sous l'effet du froid. Au bout de 30 minutes de tentative de réchauffement, je me dis que je ne peux pas rester là. Je remballe tout et prends la direction du téléphérique, au moins je pourrais m'abriter du vent. Et puis l'air de rien, le sac à dos tient chaud, et l'enlever, c'est presque comme enlever un pull. Arrivé là-bas, ça va bien mieux ! Je prends à nouveau quelques photos, puis le temps passant, il faut que je prenne le chemin du retour. La descente, c'est bien plus facile. On s'enfonce dans la neige et on fait des pas de géant. On croise tous les lacets de la montée, et un pas de descente en vaut trois de montée ! Je profite de mon repas bien à l'abri, couché dans la neige sur le bord du chemin. La nuit commence à tomber, et la route du retour est toujours la plus longue. J'arrive au magasin de location épuisé, et je reste assis sur le banc d'essai des chaussures pendant bien 5 minutes, le regard perdu, profitant de la chaleur ambiante pour réchauffer mes membres endoloris.

D'en haut, c'est plus beau !

Cette fois-ci c'est le propriétaire du magasin qui est là, un Québécois d'une quarantaine d'année, Jef. On discute en français, et il est impressionné par mon exploit du jour ! Entre-temps, j'ai reçu un mail d'un des mes anciens voisins, qui ont habité 6 ans à Calgary, et qui me conseille de visiter le Canyon Maligne. En effet, la rivière est gelée en hiver et l'on peut se balader au fond du Canyon. Je demande donc à Jef comment je peux y aller sans payer 60 CAD de frais de guide. Il m'indique sur un plan l'emplacement de la rivière, et les endroits où l'on peut rentrer dans le canyon. Je prévois donc de rester un jour de plus, afin de profiter à nouveau d'un jour de ski et de visiter le canyon avant mon départ.

Des skis français, si c'est pas du chauvinisme !

Quand j'arrive à l'appart, je suis lessivé, et je file au lit à 9 heures. Le lendemain, je retourne au magasin de location, que je commence à bien connaître. Jef est sympa et me file de supers ski Rossignol, griffé 74 ! Seul un Français comme moi peut savoir qu'il s'agit de la Haute-Savoie ! Je pouce à nouveau, et personne ne s'arrête pendant bien 15 minutes. Mais ce n'est pas perdu, et deux potes qui travaillent au Jasper Lodge me prennent. Ils vont skier le matin, avant d'aller bosser l'après-midi. Je suis surpris quand ils allument un joint dans la voiture : fumer ou conduire, plus la peine de choisir !  Même s'il fait bien froid (-22°C), et que le télésiège n'est pas toujours une partie de plaisir, je repars sur les pistes illuminées comme les sommets alentours par un beau soleil d'hiver.

Elle est pas belle la vie !

Sur le télésiège, je rencontre Sven, un Suisse de Lucerne qui est venu rendre visite à sa copine qui travaille à Jasper. On sympathise et je passe la journée avec lui ! Il skie vraiment bien et j'arrive à peu près à le suivre. Je tente même quelques petits sauts au snowpark. C'est plus sympa et le temps passe plus vite, parce que finalement, on passe plus de temps sur le télésiège qu'à descendre !
Il me propose de me ramener à Kamloops le soir même, puisqu'il y va pour rejoindre sa soeur et son copain, mais il me reste le fameux Canyon à visiter.
A midi, Dan m'offre le chocolat chaud, et ça me touche beaucoup !

En Suisse, on sait rester cool !

De retour au magasin de location, et oui, encore, je demande à Jef si il veut boire un verre ce soir, et il me propose de passer chez lui ! Donc je range l'appart, passe un coup d'aspirateur, prends 4 bières dans le frigo et me rends chez lui. Il est en train de préparer ses vacances en France, à Courchevel s'il-vous-plaît, et aux frais de la princesse (pass, location et appart' payés !). On attaque les bières, et il a un super système audio : ampli, double lecteur CD, 6 enceintes, et le son est vraiment bon ! Il me fait découvrir Katerine et Jean Leloup, du bon son en tout cas. On passe au vin rouge et je commence à bien bouger. Il me propose d'aller faire un tour en ville et j'accepte volontiers ! On passe dans un premier bar, où l'ambiance est carrément top, mais son ex est là et on peut pas rester. On se pose dans un autre bar plus posé, avec des potes à lui. On rentre en taxi à 3h du mat', et je suis rond comme un ballon.

A 7h30, c'est leur chat qui me réveille en grattant à la porte. J'ai la tête dans le gaz, mais un coup d'oeil à la montre et un bon demi-litre d'eau me remettent d'aplomb. Je range tout, passe un dernier coup d'éponge et je file en direction du magasin de location (comme c'est original !) pour laisser mon gros sac. Sur la route, je croise Dan qui part au boulot. Plus léger, j'attaque la route en direction du Canyon, soit environ une dizaine de kilomètres. Le défi est simple, il est 9h, j'ai mon bus à 12h, soit 3 heures pour y aller, le visiter et revenir. Je lève régulièrement le pouce dès qu'une voiture passe, mais aujourd'hui pas de chance, personne ne s'arrête. C'est ma barbe qui effraie ou bien mes crampons dans un sachet qui passent pour un animal mort, le doute m'envahit. Si un Etre Supérieur existe, qu'il daigne me venir en aide ! Vers 10h30, fataliste, je me résigne et fais demi-tour. Mais j'ai été entendu, une voiture s'arrête, ce sont des Américains de Caroline du Nord, dont la femme vient du côté d'Ulm en Allemangne. Ils me montent jusqu'au premier pont qui enjambe le Canyon. J'attaque la visite au pas de course, et je descends dans la rivière. Le stress commence à monter, et je demande aux gens que je rencontre s'ils peuvent me descendre. Un famille d'Edmonton (on prend les même et on recommence) accepte ! Enfin, on fait d'abord la visite ensemble. On discute, et on prend quelques photos. 

Qui a laissé la tireuse mousser ?

A touché le fond, creusez encore !

Quand on monte dans la voiture je jette un coup d'oeil à ma montre, ouh ça va être très juste. Ils roulent bien et j'arrive à Jasper. Je rends les crampons, je cours au magasin de location récupérer mon sac. Les deux vendeurs sont impressionnés, et me disent que ça fait chaud au coeur de voir quelqu'un qui se motive et qui fait plus que louer des skis pour la journée ! De là, je travers la rue et file au guichet : "Le bus de Kamloops, il est déjà parti ! enfin dépêchez-vous !" Mince, je cours dehors, saute dans le premier que je vois. Le chauffeur vérifie mon ticket, met mon sac dans la soute, et c'est parti ! Me voilà assis, le visage collé contre la vitre froide, écoutant la Rue Kétanou en regardant le paysage qui défile. "La mort est sans bagages, les poches vides et le coeur plein". Ah ce que l'on est bien ! Le stress accumulé dans le Canyon, compressé par ma course après le bus se transforme doucement en sentiment de bien-être ! Les montagnes se réduisent au fur et à mesure du trajet mais les sapins et la neige sont toujours aussi nombreux.

Sur le chemin du retour, le soleil se couche doucement sous mes yeux, et j'ai le sentiment du travail bien fait, d'un mélange de chance, de volonté, de courage et de rencontres, et je somnole doucement dans ce bus qui me ramène au ranch.

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