Mercredi donc, je prends le bus qui me mène à Merrit. Ce dernier a du retard, et cela me permet de faire la connaissance de deux Australiens, qui partent faire une saison dans une station de ski canadienne. Je m'aperçois que malgré mes nombreuses années d'anglais, je ne suis pas encore à l'aise ! Les accents, aussi bien Canadien qu'Australiens, brouillent l'écoute, et il faut que je prenne de l'assurance quand je parle, pour que mon anglais soit plus fluide.
La gare routière de Vancouver |
Après 6 heures de voyage, au lieu des 4 prévues (la neige nous a bloqué pendant une bonne heure), j'arrive à Merrit. Kerry, le propriétaire du ranch me reconnaît et je monte dans son 4x4 flambant neuf, avec caméra de recul ! A l'intérieur m'attend Maika, une wwoofeuse allemande de 18 ans. Nous roulons de nuit jusqu'au ranch, et il y a de nombreux accidents, dus à la neige. Nous passons rapidement à l'écurie pour vérifier que tout va bien, puis nous allons à notre maison. Et oui, c'est royal, nous avons une maison rien que pour nous, les wwoofeurs, et plutôt pas mal en plus ! Je rencontre alors Elise, une Québecoise de 35 ans qui est arrivée 3 jours avant moi. Je m'installe dans la chambre de la cave et prends un bon dîner, composé d'oeufs au plat, d'un steack et d'une tortilla. Les filles se couchent rapidement, il n'est que 9 heures. Bon, j'en fais autant, je ne sais pas ce que la journée du lendemain va donner.
La vue du salon |
Lever 5 heures du matin, et oui, c'est ça la vie à la ferme. On ravive le feu de la cheminée et du poêle à la cave, on petit-déjeune et on s'équipe contre le froid. A 6 heures, nous montons dans le Bobcat, une sorte de voiturette 4x4 avec une petite benne, et nous allons nourrir les premiers chevaux. Armés de fourches, on répartit le foin en autant de petits tas qu'il y a de chevaux, pour ne pas qu'ils se disputent et que l'un d'eux se retrouve le ventre vide. Puis nous allons à l'écurie. Première chose à faire quand l'on arrive, c'est vérifier la chaudière. En effet, l'écurie et le garage sont chauffés à partir d'une grosse chaudière extérieure. Autant dire que pour chauffer un tel espace, il faut du bois, et le chargement de la chaudière ne se fait pas par bûchettes, mais bien par une dizaine de rondins d'un mètre, ça ne rigole pas ici !
Ensuite les filles font sortir les chevaux, et il faut nettoyer les box. Car comme l'a dit Kerry en arrivant : "The first thing you have to know is that horses shit, and you have to clean that". Donc, changement d'arme, c'est la pelle, le râteau et la brouette et c'est parti. Dedans, ça va encore, mais dans les enclos dehors, ça gèle alors il faut forcer un peu pour tout ramasser. Si il a neigé, il faut déneiger les accès au garage et à la grange.
L'écurie, by night |
Trish, la femme de Kerry, m'amène alors à leur maison pour couper du petit bois. Une bonne hâche et c'est parti ! Ah que j'aime ça. Mais j'aime tellement ça que je ne me rends pas compte que j'ai vraiment froid aux mains, et qu'il y a un trou dans l'un de mes gants. Il fait quand même -11°C. A midi, le doigt devient violet, et le lendemain, j'ai le droit à une belle ampoule. C'est décidé, maintenant je fais attention.
Le froid, ça rigole pas ! |
A midi, nous mangeons tous ensemble chez Kerry et Trish. Je découvre alors leur maison. Je l'avais juste aperçue de loin, perché sur une colline et donnant sur un petit lac gelé. Elle est vraiment grande, et très lumineuse. La vue sur la propriété et les collines alentours est magnifique, d'autant plus que la neige a commencé à recouvrir les prairies et les sapins. La cheminé du salon est en pierre et fait bien 4 mètres de haut. Une petite véranda accolée à la salle à mangé et donnant sur la terrasse est chauffé par un poêle. C'est l'endroit idéal pour se reposer après manger, fermer les yeux ou lire un livre en écoutant le bois brûler et en caressant le chat.
Un petit cocon, tout simplement |
L'après-midi, c'est le même scénario : il faut s'occuper des chevaux, les rentrer, les sortir, les nourrir, nettoyer leur stalle ou leur enclos. On va aussi chercher du bois qui a été coupé cet été sur une colline voisine. La neige ne facilite pas l'accès et le 4x4 en mode 4Hi a du mal. Mais on y arrive et le bois n'y échappera pas : il va brûler !
Quand nous finissons, que tous les chevaux sont repus et à leur place, il fait nuit, mais il n'est que 16h. On se pose alors dans notre salon, devant le feu de la cheminé et on discute. Un petit repas, un verre de whisky si le coeur y est, puis au lit, à 19h ou 20h.
Mais pour moi, le travail n'est pas fini ! Comme la température est bien descendue (jusqu'à -15°C pour l'instant), il faut toujours chauffer l'écurie et le garage. Donc le feu de la chaudière extérieure doit être alimenté régulièrement, et c'est moi qui m'y colle. Je mets donc mon réveil à 22h et à 2h du matin nourrir cette bouche si vorace. J'y vais à pied pour prendre l'air et profiter du ciel et des étoiles, que je n'ai pas encore aperçues ... Après avoir bien chargé la chaudière de ses 10 rondins minimum, je vais vérifier que les chevaux vont bien, et qu'aucun n'est couché sur le dos. Puis je reprends le chemin de mon lit, marchant doucement dans la neige qui grince sous mes pas, le froid qui fouettant mon visage. Je suis tellement heureux de me glisser à nouveau dans mon sac de couchage, encore tiède car il n'a pas eu le temps de refroidir. Heureusement, depuis que mes nuits sont écourtées, ma matinée est rallongée et je peux commencer le travail à 9h ou 10h. Cela me permet de cogiter dans mon lit, bien manger et lire un peu si j'ai le temps.
THE chaudière |
Hier il a fallu stocker le foin apporté par camion. Ce sont les bottes carrés, de foin tout neuf. En entendant Kerry discuter avec les autres, je me suis rendu compte que l'ambiance ranch et western est vraiment là : l'accent, les chevaux, les grands espaces, les bottes et les jeans (pas le chapeau, on caille !) et puis aussi les photos en noir et blanc de cow-boys, la musique, les romans (dont un que j'ai trouvé à la cave sur la pâture libre (Open Range en anglais !) ... Finalement, les cow-boys n'existent pas que dans le Montana !
La photo qui me fait rêver |
Au bout de trois jours, je commence à fatiguer un peu, mais c'est une bonne fatigue, une fatigue saine, due au travail, à l'altitude et au froid. D'ailleurs je commence à bien me méfier de ce froid qui ne me faisait pas si peur en arrivant. Pas le droit à l'erreur avec lui, désormais, dès que je sens que les doigts de pieds ou le nez se refroidit, je pars vite me réchauffer au poêle, et je rajoute une couche si nécessaire. Je me plais toujours autant à couper du bois quand il le faut, et Kerry a même été impressionné l'autre jour et m'a dit : "You did a fuckin' great job !".
Le mois qui s'annonce est prometteur, et j'espère, encore secrètement, que je pourrais monter à cheval un de ces quatre. Sinon, si la neige continue, je pourrais toujours me rattraper avec le moto-neige !
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